Qu’est-ce que le design d’expérience ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, rappelons d’abord ce qu’est le design. Le mot « design » est lui aussi malheureusement employé de plus en plus fréquemment sans réelle compréhension de sa définition exacte. Il s’agit d’une pratique de création visant à concevoir ou améliorer des produits, services ou interfaces physiques ou numériques. Le design a pour missions de répondre à des besoins concrets et de faciliter l’usage voire de le réinventer. Il s’inscrit donc dans une démarche de résolution de problèmes en rendant l’expérience plus humaine, fluide ou juste (Brown, 2009, Norman, 2013).

Petit détour historique

Ce qui est surprenant c’est que le mot « design » est souvent perçu comme un anglicisme alors que son origine est française. Il vient du moyen français desseing, qu’on écrit aujourd’hui « dessin », qui vient lui-même du latin designare signifiant « marquer, tracer, désigner ». À l’origine, il voulait dire à la fois dessiner un tracé et former une intention. Or, à partir du XVIIIe siècle, ces deux sens se séparent en France : dessin pour le tracé graphique et dessein pour l’intention, le projet. En anglais, le mot conserve donc la double signification.

Une ironie linguistique à relever

Le mot a fini par revenir dans notre langue, cette fois avec une prononciation anglaise et une dimension plus internationale. Le français a longtemps cherché à traduire ou franciser « design », mais aucun de ces termes n’a vraiment réussi à capturer sa richesse polysémique (Verganti, 2009). Donc nous continuons d’utiliser « design » en français, faute de mieux. Même si le terme « conception » est parfois préféré dans les milieux académiques et institutionnels.

Par conséquent, il existe de nombreux champs de conception possible : design de marque, design sensoriel, design numérique ou d’interaction, etc. Tout décrire ici alourdirait notre réflexion mais il est important de bien délimiter ce que regroupe concrètement le concept de design.

Alors, qu’est-ce que le design d’expérience ?

Le design d’expérience fait donc référence à l’ensemble des approches, des méthodes et des pratiques mobilisées pour concevoir des situations vécues, en tenant compte des perceptions, des émotions et des attentes (Hassenzahl, 2010). Les enjeux sont nombreux : créer de la valeur subjective, renforcer la cohérence des parcours et intégrer des dimensions culturelles, sociales et symboliques (Forlizzi & Battarbee, 2004). Comme nous le verrons plus loin, le design d’expérience se situe à la croisée des disciplines et suppose une pensée systémique et des allers-retours constants entre théorie et pratique.

Les différentes expériences

Pour bien comprendre la variété des expériences, un retour sur l’évolution de l’interaction homme-machine s’impose.

L’étude des technologies interactives menée par les recherches en interaction homme machine (IHM) a ouvert la voie à de nouveaux concepts et de nouvelles théories liées au design d’expérience (Preece, Rogers, & Sharp, 2015). Autrefois, il faut comprendre que l’IHM était surtout focalisé sur la pratique et le savoir-faire des individus en interaction directe avec une machine (Shneiderman et al., 2016). Néanmoins, le design a commencé à se recentrer petit à petit sur l’humain, à mettre l’utilisateur au centre de la conception.

Une déclinaison d’expériences selon les disciplines

Le mot « expérience » se décline donc selon les angles et les disciplines. Il existe donc différentes formes d’expériences devenues des concepts clés dans le domaine du design, du marketing ou de la gestion de la relation client. Nous pensons ainsi à l’expérience de marque (BX ou brand experience), à l’expérience utilisateur (UX ou user experience), ou encore l’expérience client (CX ou customer experience) (Brakus et al., 2009, Schmitt, 1999).

Des expériences interconnectées

Comment ces expériences sont-elles reliées entre elles ? Les différents types d’expérience doivent être intégrés dans une expérience globale positive. Elles partagent souvent des points de contact commun et elles ont donc tendance à se renforcer entre elles. De plus, les retours d’expérience clients et utilisateurs sont essentiels pour améliorer ces expériences (Pine & Gilmore, 1998). Les concepteurs doivent les gérer de manière intégrée pour arriver à créer une expérience globale cohérente (Gentile et al., 2007). Seule une approche holistique permet d’explorer ces dimensions.

Bibliographie

  • Brakus, J. J., Schmitt, B. H., & Zarantonello, L. (2009). Brand experience: What is it? How is it measured? Does it affect loyalty? Journal of Marketing, 73(3), 52-68.

  • Brown, T. (2009). Change by Design: How Design Thinking Transforms Organizations and Inspires Innovation. Harper Business.

  • Forlizzi, J., & Battarbee, K. (2004). Understanding experience in interactive systems. In Proceedings of the 5th conference on Designing interactive systems: processes, practices, methods, and techniques (pp. 261-268).

  • Gentile, C., Spiller, N., & Noci, G. (2007). How to sustain the customer experience: An overview of experience components that co-create value with the customer. European Management Journal, 25(5), 395-410.

  • Hassenzahl, M. (2010). Experience design: Technology for all the right reasons. Synthesis Lectures on Human-Centered Informatics, 3(1), 1-95.

  • Norman, D. A. (2013). The design of everyday things: Revised and expanded edition. Basic books.

  • Pine, B. J., & Gilmore, J. H. (1998). Welcome to the experience economy. Harvard Business Review, 76(4), 97–105.

  • Preece, J., Rogers, Y., & Sharp, H. (2015). Interaction Design: Beyond Human-Computer Interaction (4th ed.). Wiley.

  • Schmitt, B. (1999). Experiential marketing. Journal of Marketing Management, 15(1–3), 53–67.

  • Shneiderman, B., Plaisant, C., Cohen, M., Jacobs, S., Elmqvist, N., & Diakopoulos, N. (2016). Designing the user interface: Strategies for effective human-computer interaction. Pearson.

  • Verganti, R. (2009). Design Driven Innovation. Harvard Business Press.

Suivant
Suivant

Qu’est-ce que l’expérience ?